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Tu me gonfles 05/04/2013
J'étais à table, assis en face d'elle. Un silence profond inondait les bruits saccadés de ma fourchette. Lorgnant sur mon assiette que je vidai lentement, je finis enfin par lui lancer un bref coup d'œil. Et, je ne pus m'empêcher un soupir. Un an! Un an que nous vivions ensemble, que nous partagions notre vie sans le moindre écart et, j'en avais marre ! Marre de ses yeux profonds, marre de sa peau blême, marre de sa tranquillité, de son mutisme. Je me souviens de notre première rencontre, une petite annonce alléchante m'avait fait parcourir les cent cinquante kilomètres qui me séparent de Lyon. Je l’avais trouvée charmante, distinguée, belle et attachante. Ce premier rendez-vous avait été relativement bref, instants furtifs où nos deux êtres se jaugèrent, s'estimèrent, en se demandant si c'était lui, si c'était elle, cette destinée que nous attendions depuis si longtemps pour combler nos solitudes, amener une certaine stabilité à nos existences que nous ne désirions plus solitaires, peut-être moins égoïstes. Trouver l'âme sœur était pour moi, à l'époque, d'une importance primordiale. J'étais donc rentré chez moi, le cœur plus léger, avec ce petit tressaillement qui me questionnait sur mon sentiment envers elle. Ce n'était évidemment pas un coup de foudre qui m'avait envahi. Mais mon impression semblait bonne, alléchante, un désir d'en savoir plus, de mieux la connaitre... Elle était devant moi, sublime comme toujours, son maquillage permanent marquait d'une parfaite harmonie les courbes de son visage, une douceur étrange voguait dans ses yeux d'un bleu lagon de mer de Chine, celui-ci même qui m'avait incité à y ancrer mon frêle esquif. Elle était belle, splendide, irréprochable. Pourtant! En ce jour de la Saint Valentin, il me fallait mettre un terme à notre relation... Notre deuxième rencontre fut la bonne, le doute n'était plus de mise. Ses courbes de rêve avaient, je pense, été pour moi d'une extrême importance, noyant d'un seul geste le restant de mes réticences. Tout au long du parcours qui nous ramenaient chez moi, je la regardais discrètement et j'étais enchanté de ma décision, de ce choix de vie commune qui allait mettre un terme à ma destinée solitaire, ajouter une certaine douceur à mon mal de vivre, colmater ce manque qui me taraudait depuis tant d'années. Je crois, qu'il en était de même pour elle. J'avais discerné son évidente angoisse devant le vide d'une vie qu'elle avait besoin de comblée. Elle semblait rechercher une certitude, un sentiment réel d'admiration qui ne serait pas essentiellement porté sur son physique parfait, mais qui apprécierait tout ce qu'elle avait à offrir... Pour ce jour des amoureux, j'avais décidé de nous concocter un petit dîner exceptionnel. Ce matin, je n'avais pas encore pris l'irrévocable décision de rompre. Je m'étais donc rendu au supermarché pour acheter des ingrédients de qualité. Je voulais que tout soit parfait, idyllique, inégalable. Alors j'avais usé déraisonnablement des maigres ressources de mon portefeuille. La meilleure viande, un petit pot de caviar, une bouteille de champagne grand crue. Immanquablement, j'en étais certain, elle serait comblée, flattée par cet empressement de galanterie amoureuse... Pendant une année, notre chemin à deux se déroula dans une parfaite homogénéité. Comme je vous l'avais indiqué plus tôt, ce n'était pas un amour fou, absolu qui nous animait, mais il y avait ce bonheur quotidien, où chacun s'activait à sa propre besogne, n'étouffant pas l'autre de la moindre jalousie, du moindre scepticisme. Jamais une simple dispute n'ombrageait notre parcours commun. Nos vies s'écoulaient divinement, appréciant une parfaite harmonie. L'assouvissement de nos plaisirs était d'une indéniable cohésion. Le grain de sa peau, la douceur de nos ébats aplanissaient sans coup férir les contrariétés qui avaient gâchées le cours de nos journées. Ce plaisir physique était pour nous, je crois, essentiel, indispensable, jamais repoussé où dédaigné. On en ressortait immanquablement comblé, nettoyé de tout stress, animé d'une quiétude qui berçait le cours de nos nuits sans éveil. L'amour! Oui, je pense que l'amour avait subtilement fait son apparition dans notre couple, balayant sans problème les nuages gris, les tempêtes qui peuvent d'un seul coup briser le bonheur que la persistance commune de notre paire avait construit... Que se passa-t-il dans ma tête en cet instant attendu qui devait sceller notre première année de couple? Je ne le sais pas vraiment. Peut-être une lassitude soudaine, une angoisse devant la monotonie, l'habitude qui nous fait vieillir sans la moindre conscience, oubliant que l'aventure, l'expérience d'autre chose, d'autre quelqu'un était possible. Il y avait aussi, je dois tout de même le préciser, cette annonce alléchante qui avait attiré mon regard, attisé mon désir. Le même genre de petit encart qui avait provoqué l'aboutissement notre rencontre. C'est au moment d'attaquer ce morceau de viande au fumet délicieux que j'avais avec grand soin préparé, que cette idée angoissante, malsaine avait envahi mon être, bouleversé ma façon de penser, égratigné mon âme. Je lui jetai un dernier regard, les yeux clignés, voulant nier notre relation unique et comblée. Comment allais-je m'y prendre? Alors. Je me suis levé lentement. Je me suis avancé vers elle. J'ai tendrement glissé ma main vers sa joue si douce. Puis, avec affection, je l'ai délicatement flattée, caressée. Ensuite. Sur sa nuque délicate, J'ai approché mes lèvres gourmandes. J'ai léché du bout de ma langue la finesse de sa peau, Réchauffé sa chair de ma respiration haletante. Espérant un dernier tressaillement, un sursaut de désir. Puis! Une dernière respiration scella son destin. Sans le moindre avertissement. Mes dents pincèrent son opercule de vie. D'un coup de tête je séparai le bouchon de son orifice, provoquant ainsi son affaissement inéluctable. Elle se dégonfla rapidement pour se retrouver, chiffon de latex, écrasée sur le sol. Simple masse informe et sans la moindre beauté. Une insignifiante baudruche de plus qui venait subitement de s'effacer de ma vie, de s'estomper de son dernier souffle. D'un geste anodin, je pris un sac poubelle pour l'y déposer, aidé de la simple force de mon pouce et de mon index, d'une main ferme je l'écrasai sans le moindre remord dans les tréfonds de son ultime demeure... C'est avec un sourire, certainement malsain, que je pris cette revue coquine qui ventait les propriétés divines et exceptionnellement réalistes de leur dernière poupée gonflable. Ma décision était déjà prise. Demain je prendrai la route
de Lyon, pour visiter l'échoppe où cette exceptionnelle
beauté avait été mise en vente...
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